Analyse du mois d’avril 2025 : un mois de turbulences marqué par les droits de douane et un ralentissement généralisé du marché

Alors que les professionnels du vin se rendaient en masse à Bordeaux pour les dégustations primeurs et que les fêtes de Pâques ralentissaient l’activité, le mois d’avril 2025 a vu les principaux indices du marché des grands vins enregistrer leurs plus fortes baisses depuis plusieurs mois. L’introduction de nouveaux droits de douane aux États-Unis a provoqué un choc immédiat, amplifiant les effets saisonniers habituels. Retour sur un mois particulièrement chahuté et ses implications pour les amateurs et investisseurs en vins rares.


Une chute généralisée des indices de référence

L’indice Fine Wine 100, référence du marché, a enregistré une baisse de 1,7 %, sa plus forte chute mensuelle depuis août 2023. L’indice élargi Fine Wine 1000 a reculé de 1,3 %, tandis que le Champagne 50, très exposé à la demande américaine, a connu la plus mauvaise performance avec une chute de 2,6 %.

Le Bordeaux 50, qui suit les dix derniers millésimes physiques des Premiers Crus classés, a baissé de 1,9 %, contre 1,6 % pour le Bordeaux 500. Ces chiffres traduisent un climat d’attentisme, voire de défiance, face à un marché devenu incertain.


Activité commerciale en forte baisse

Le volume total des échanges a chuté de 30,1 % par rapport au mois de mars. Si la période des dégustations primeurs et les congés de Pâques expliquent partiellement cette baisse, l’annonce inattendue, le 2 avril, de droits de douane américains sur les vins européens a joué un rôle déterminant.

Les achats américains ont chuté de 34,8 % en valeur nominale par rapport à mars, et de 58 % par rapport à février, atteignant leur plus bas niveau depuis janvier 2023. En parallèle, les achats européens ont reculé de 26,8 %, ceux du Royaume-Uni de 39,1 %, tandis que l’Asie résistait mieux avec un repli modéré de 13,6 %.


Réorientation géographique et sectorielle

Avec le retrait des acheteurs américains, les régions habituellement prisées comme le Champagne et la Toscane ont été pénalisées. En revanche, la part des achats bordelais dans les portefeuilles américains a augmenté, atteignant 43,3 % – un niveau supérieur à la moyenne récente.

La distribution géographique du marché a donc évolué : l’Europe représente désormais 38,9 % des achats, contre seulement 19,9 % pour les États-Unis.


Indicateurs de confiance en berne

Le ratio bid:offer de l’indice Liv-ex 1000 a reculé à 0,31, signe d’un net repli de la demande. La valeur totale des offres a augmenté légèrement (+1,5 %), tandis que les intentions d’achat ont reculé de 24,7 %. Fait notable, 41 % des transactions ont été déclenchées par des vendeurs, un niveau inédit depuis fin 2020, reflétant un marché davantage orienté vers l’offre que vers la demande.


Retour progressif de l’exposition américaine

Si les acheteurs américains se sont rapidement retirés après l’annonce des droits de douane, une reprise modérée de leur exposition a été observée à partir de la mi-avril. Ce regain d’intérêt demeure toutefois timide, avec des niveaux d’enchères toujours inférieurs de 50 % à ceux d’avant l’annonce tarifaire – notamment sur des régions comme le Piémont, particulièrement affectées.


Effets de change : un dollar faible complique la reprise

À cela s’ajoute une baisse du dollar face à l’euro, qui renchérit les achats de vins européens pour les importateurs américains. Même si un rebond temporaire du dollar a été observé après l’annonce d’une suspension tarifaire avec la Chine le 12 mai, le taux de change USD/EUR reste inférieur à son niveau de début mars. Cette tendance ajoute un facteur d’incertitude supplémentaire sur les perspectives à court terme.


Conclusion : entre incertitude tarifaire et attente des acheteurs

La suspension provisoire des droits de douane jusqu’au 9 juillet offre une respiration bienvenue. Toutefois, l’incertitude reste forte quant à l’évolution réglementaire et au retour durable de la demande américaine. Le marché semble suspendu à une nouvelle décision à l’issue de cette période de 90 jours.

Pour les amateurs et investisseurs en vins fins, cette période constitue à la fois une alerte et une opportunité. L’apathie actuelle des acheteurs crée des points d’entrée potentiellement attractifs, notamment sur les grands crus bordelais proposés à des tarifs primeurs historiquement bas. Mais la prudence reste de mise jusqu’à l’éclaircissement de la situation géopolitique et monétaire.


📊 Sources : Liv-ex – données issues du réseau de plus de 620 négociants spécialisés dans les grands vins, représentant plus de 100 millions de livres sterling d’offres en temps réel.